Virginia Guillon – La maladie rare crée de belles personnes

Cape ou pas cape d'invisibilité ?

Interview : #SyndrômedeBartter

 

Quand la recherche d’équilibre devient un défi quotidien.

 

Bonjour Virginia ! Tout d’abord, question toute simple : peux-tu te présenter ? 🙂

Je m’appelle Virginiajeune maman de 35 ans. Je me présente comme une personne en situation de handicap dû à une maladie rare rénale invalidante. Je travaille dans la fonction publiqueavec une RQTH (Reconnaissance Qualité Travailleur Handicapé) et 2 CMI (Carte Mobilité Inclusion) qui me permettent de vivre au mieux. Cette reconnaissance m’a été conseillé par les nombreux médecins qui me suivent. Un métier qui me passionne et des activités associatives en distanciel qui m’apportent également beaucoup. Les sujets qui me passionnent sontla lecture, la science, la musique, la couture et le handicap.

Cape de nous expliquer ton parcours ?

2017-2018 : j’enchaîne alors les hospitalisations, les départs aux urgences (hypokaliémie sévère avec la liste des symptômes associés), les prises de sang, les symptômes lourds et je découvre alors l’errance médicale.
Plutôt très courte cette errance quand on sait que la moyenne pour les maladies rares est de 4 ans, et qu’un malade sur 4 n’a pas de résultats à son test génétique (ce qui peut compliquer d’autant la reconnaissance du handicap ou d’une ALD).
Après 6 mois d’errance: un premier néphrologue pose un diagnostic; puis m’oriente vers le service adapté où travaillent tous les spécialistes de ma maladie rare.
J’ai alors une longue hospitalisation qui confirme le syndrome de Gitelman ou Bartter. Je suis tous les conseils de ma néphrologue pour supporter et arriver à gérer au mieux tous ces symptômes qui sont lourds et me pèsent au quotidien. C’est elle qui me parle de la RQTH et de la CMI priorité, après un malaise une fois en course… Je suis alors au maximum du traitement qu’il est possible de me donner.
C’est un jeu d’équilibriste pour arriver à ne pas être en arrêt maladie ou hospitalisée. C’est aussi elle qui me conseille de demander 1 jour de télétravail par semaine pour diminuer la fatigabilité liée à la maladie. 

Pourrais-tu nous expliquer les effets immédiats que cela a eu sur ton quotidien ?

Il faut savoir que c’est une maladie génétique rarissime. Elle touche principalement la fonction rénale (ce qui retentit sur d’autres organes/systèmes : causant ainsi les symptômes handicapants). Le parcours santé est lourd avec beaucoup de médicaments, d’examens réguliers et de spécialistes à consulter / coordonner. Lcomplexité et variabilité de la maladie sont extrêmes: il y a des périodes de rechute/crises

La liste des symptômes avec un syndrome de Bartter est très longue:

  • Épuisement
  • Douleurs musculaires
  • Douleurs articulaires (ça fonctionne par «crise»)
  • Troubles du rythme
  • Hypotension, etc

Je découvre alors que mon corps est exceptionnel : j’arrive à avoir des crampes sans faire 0 heures de sport!

J’ai très peu de symptômes visibles et quand cela arrive en général je suis hospitalisée.

Au vue de toute ton histoire, tu as dû faire face a un besoin d’adaptation fort, quelles ont été celles auxquelles tu as dû faire face ?

Quatre ans furent nécessaires pour que j’assume cette brutale nouveauté qui impacte toutes les dimensions de mon existence : travail, vie sociale, famille, santé.

Les adaptations mises en place: le télétravail, deux aidants (mon mari et mon père), je ne force plus, si je dois voyager alors je compte 2 jours supplémentaires pour me remettre du voyage.

La crise Covid a rajouté des difficultés: les déprogrammations médicales (ex centre antidouleur), un suivi à distance au maximum, et une adaptation de mon poste de travail à 100% télétravail tant que les médecins le préconisent. Depuis 2016 mes tâches télétravaillables ont considérablement augmenj’encadre désormais 8 personnes, j’assure de nombreuses missions (qualité, management, formation…).

Une chancel’évolution de mon poste correspond parfaitement avec l’arrivée de mon handicap et mes adaptations sont «simples»télétravail et climatisation principalementJe fais le pari de parler de ma maladie dès le début à mon employeur, et je ne regrette pas. Ils voient mes compétences avant mon handicap. Je suis motivée, et j’ai la possibilité d’être recrutée non plus comme contractuelle dans la fonction publique, mais comme fonctionnaire avec une RQTH. Un dossier est donc fait pour me recruter en tant que fonctionnaire.

Souvent, l’on remarque tous ces éléments de manière négative au vue de l’impact que cela a, mais on oublie (trop?) facilement ce que la maladie peut apporter de positif ! Pourrais-tu nous partager ce qu’elle t’a permis de vivre ?

  • Entre 2017 et 2019 je m’implique dans un groupe de patients, je vais à des conférences sur les maladies rares, je rencontre des gens passionnantsdont certains deviennent des amis; et nous constatons qu’il manque une association de patients pour être représentée et faire reconnaître cette maladie si rare. C’est comme ça que je me retrouve impliquée pour créer la première association de patients Française sur les syndromes de Gitelman et Bartter: Gitelbart. 
    Cette association permet d’apporter de l’espoir, de l’écoute et du soutien aux patients qui ont un syndrome de Gitelman et Bartter. Récemment j’ai pu faire une interview en visio d’une maman qui a un enfant qui a syndrome de Bartter. Cela permet de faire connaître la maladie et sortir de l’isolement. C’est grâce à l’association Ewenlife que je m’en suis lancée dans cette belle aventure.

J’en profite ici pour parler d’une des idées reçues autour du syndrome de Bartter: nous ne pouvons pas être «stabilisés» pour la simple raison que nous avons une carte urgence qui indique tous les risques auquel nous sommes confrontés: nous sommes à risque du moindre truc (diarhée, gastro, chaleur, etc). Mon rein c’est une baignoire qui fuit en permanence, et quand la fuite augmente pour pleins de raisons, c’est au mieux dêtre alitée et au pire les urgences.

  • En 2019, après accord des médecins qui me suivent, je me lance dans une grossesse à risque. L’occasion ici de casser l’un des imaginaires autour du handicap: être en situation de handicap n’empêche pas d’avoir de beaux bébés, et cela ne signifie pas que nous sommes «moins malades».
  • J’ai aussi découvert une communauté de femmes inspirantes et d’une extrême bienveillance: DareWomen !
  • Renforcement des liens amicauxdes amis en or très bienveillants et compréhensifs. A la fois compréhensifs de mes risques santé lié à la pandémie, mais également et surtout compréhensifs si je dois annuler un repas ou si je pars m’allonger avant la fin d’une soirée.
  • J’ai pu participer à un très beau livret de sensibilisation autour du syndrome de gitelman et bartter avec la dessinatrice Fanny Vella. On peut retrouver un extrait de ce livret sur la première page du site de l’association Gitelbart. On y explique dans ce guide une théorie que j’aime beaucoup et commune à de nombreuses maladies:c’est la théorie des cuillères.
  • Et récemment un projet de livre pour enfant pour sensibiliser au handicap invisible (pour accéder à la campagne, c’est ICI !). Parce que je suis persuadée quil faut communiquer beaucoup autour de ce sujet. On a je pense tous des «histoires» à raconter autour du handicap invisible qui concerne 80% des handicaps.

Les femmes et le handicap invisible est un vaste sujet, et vos témoignages sont essentiels ! Comment considères-tu sa place ?

Je pense que c’est important de pouvoir faire de la pédagogie avec le handicap, en parler, casser les imaginaires et permettre un monde plus heureux. Je cumule un peu les handicaps, je suis une femme, jeune, manager et en situation de handicap. Autant de raisons qui pourraient entraîner au mieux des incompréhensions si l’on ne parle pas du handicap, et au pire de fortes discriminations...Parler, échanger, exploser les imaginaires c’est ce qui me pousse depuis plusieurs années à m’investir pour parler du handicap invisible. 

De nombreux projets dans lesquels je suis investie sont là pour soutenir les femmes, que ce soit des femmes qui découvrent un handicap ou des mamans qui découvrent un handicap.Mais finalement aussi de façon plus générale toutes personnes concernées par un handicap: lors de l’interview dont je parlais précédemment, j’ai senti que j’étais utile : sortir de l’isolement dû à son handicap, sa maladie par de beaux projets associatifs c’est ce qui me motive et permet une bouffée d’espoir à tous.

En parlant de force, qu’est-ce qui selon toi t’a permis de l’être autant aujourd’hui justement ?!

Aujourd’hui, je trouve ma force en regardant tout le positif autour de moiun boulot passionnant dans lequel je suis heureuse de m’investir, des projets associatifs en distanciel qui donnent du sens à ce que je vis. Mes enfants, mon père et mon mari sont aussi d’un immense soutien. J’ai envie de me battre pour eux. Tout n’est pas parfait, le handicap invisible c’est une bataille du quotidien, c’est ré-inventer une vie et s’adapter en permanence.

On te sent tellement pleine de positivité, d’énergie et de courage ! Quel message positif souhaites-tu partager à celles et ceux qui te liront ?

En dépit des symptômes chroniques invalidants;on peut arriver à trouver un équilibre; on peut arriver à être heureux et profiter de chaque petit bonheur.

Le handicap c’est un chamboulement, pour soi, pour l’entourage; mais c’est aussi une immense richesse qui fait avancer tout le monde. Ce qui est passionnant c’est l’humanité dans sa diversité: ce que le handicap permet de découvrir.