Aurélie Renard-Vignelles : Sa force, ce sont ses DYS !

Cape ou pas cape d'invisibilité ?

Interview : #TroubleDYS

Quand s’écouter permet de se dépasser.

Bonjour Aurélie ! Tout d’abord, question un peu basique : peux-tu te présenter ? 🙂

Je m’appelle Aurélie, j’ai 29 ans, j’habite en région centre-val de Loire. Je suis mariée, sans enfant, coach, conférencière troubles DYS (= troubles cognitifs, ndlr), consultante en accessibilité DYS et créatrice de sites web !

Cape de nous expliquer quand et comment tout a commencé ?

Je suis multi-DYS et Haut Potentiel (suspicion de TDAH et / ou d’autisme Asperger en cours de bilan). Les premiers symptômes de la dyspraxie sont apparus dés la naissance, je mettais 1h30 pour boire un biberon. Puis vers 3 ans, on a commencé à comprendre que j’avais un problème au niveau du regard (on ne savait pas quoi à l’époque, mais ce n’était pas normal).

En grande section de maternelle, ma maîtresse a alerté mes parents concernant mon comportement en classe (difficultés de concentration, retard de langage, retard psychomoteur, lenteur…), elle a conseillé à mes parents de me faire passer des examens au CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique) de Tours. Là-bas, j’ai passé des bilans, à l’époque on n’avait pas su donner un nom au handicap que j’avais, on avait même conseillé à ma mère de me mettre dans une école spécialisée, heureusement mes parents ont refusé. Après ce bilan au CMPP, j’ai fait quelques séances de psychomotricité pour mieux appréhender mon corps dans l’espace.

Puis est venu le CP et l’horreur de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques… De plus j’étais humiliée par la maîtresse et je subissais du harcèlement moral et physique pendant la récréation. Pendant certains cours, je jouais à des jeux de société avec un psychopédagogue. En CP, j’ai également fait quelques séances avec une orthophoniste, qui n’ont rien donné.

Après un bilan psychométrique adapté à mon âge de l’époque (bilan de QI), la phoniatre (qui n’était pas que phoniatre, ma sauveuse, je lui dois une fière chandelle) m’a diagnostiquée multi-DYS. J’ai été diagnostiquée à 10 ans. Plus tard on a compris que j’avais un Haut Potentiel Complexe (QI hétérogène avec un cerveau à double vitesse et 2 ans d’avance d’âge mentale par contre 2 ans de retard psychomoteur).

Les choses les plus dures pour moi durant ma scolarité furent : les difficultés en lecture, les difficultés psychomotrices, les difficultés d’écriture mais également et surtout le harcèlement scolaire (par les élèves comme par certains enseignants et professeurs).

Pourrais-tu nous expliquer les effets immédiats que cela a sur ton quotidien en tant qu’adulte?

Au quotidien, j’ai beaucoup de fatigue car je compense le plus possible pour arriver au même point que les autres.

J’ai de grosses difficultés à lire un long texte qui plus est lorsqu’il n’est pas adapté pour les dyslexiques (je suis dyslexique sévère). Le langage oral est également très difficile pour moi lorsque la journée avance. Le soir, ou lorsque je suis trop stressée ou fatiguée, je suis capable de parler comme un enfant de 3/5 ans, ça peut donner des discours plutôt hilarants (heureusement je fais beaucoup d’auto-dérision). 

A l’âge adulte j’ai également quelques difficultés pour cuisiner, me coiffer, me maquiller, m’habiller (surtout les chemises ou les vêtements avec des nœuds ou des petits boutons).

Cela m’a également valu pas mal de discrimination car mon handicap est invisible donc les gens ne se rendent pas forcément compte des efforts constants que je dois faire pour tenter de compenser.

On ne se doute de rien, mais tu as dû faire face a un besoin d’adaptation fort, quelles ont été celles que tu as mené ?

Avant de parler d’adaptations, j’aimerais parler de 2 choses essentielles : l’acceptation du handicap et la rééducation.

Pour accepter son handicap, il faut le comprendre et faire la part des choses en faisant le point sur nos forces et sur nos difficultés. Chez moi, je sais que la lecture n’est pas du tout mon fort, cependant, je suis assez à l’aise à l’oral, c’est donc un point fort sur lequel s’appuyer pour adapter.

Pour la rééducation il faut que la personne en situation de handicap accepte l’aide, certains ont du mal à accepter, se sentant coupables car leur maladie ou handicap ne se voit pas. Pour ma part, j’ai toujours accepté l’aide des professionnels et autres personnes.

Pour qu’une rééducation fonctionne le mieux possible, il faut également qu’il y ait un bon feeling entre le spécialiste et le patient. Personnellement j’ai toujours eu un bon feeling avec ma phoniatre et les autres spécialistes qui m’ont accompagnée par la suite.

Pendant la rééducation, on voit les choses qui fonctionnent et les choses qui sont moins adaptées, c’est donc vraiment là qu’on construit les adaptations. Les spécialistes comme le patient doivent faire preuve d’imagination, de créativité et doivent surtout faire appel aux points forts de l’intéressé.

Une fois la rééducation terminée, il faut tout de même continuer à entretenir les choses apprises, au travers d’exercices. Au final, une personne DYS, c’est un peu comme un athlète de haut niveau, s’il ne s’entraîne pas pendant un certain temps, il va perdre en muscle.

Pour ma part, les adaptations qui ont été mises en place sont des adaptations en rapport avec la lenteur, le graphisme et la lecture. Aux examens j’avais du temps supplémentaire, un ordinateur à partir de la 1ère et enfin j’ai eu des adaptations à la lecture lorsque je suis entrée dans le monde du travail.

Depuis la création de mon entreprise je créé mes propres adaptations, j’aime cette liberté de pouvoir adapter son travail pour être au mieux dans ses baskets.

S’écouter (et activement!) est une véritable richesse, bravo Aurélie ! Souvent, l’on remarque tous ces éléments de manière négative au vue de l’impact que cela a, mais on oublie (trop?) facilement ce que le handicap peut apporter de positif ! Pourrais-tu nous partager ce qu’elle t’a permis de vivre ?

Je dirais que mon handicap m’a permis de me rendre compte qu’on peut être en difficultés et réussir dans la vie. Mon handicap est ma force ! Lorsque j’ai un défi à relever je me dis que quelque soit la conséquence, au moins j’aurais essayé et puis bon, qui ne tente rien n’a rien !!! Je ne dis pas que je suis une super woman mais bon, je donne tout ce que j’ai, quand j’ai à cœur de faire quelque chose.

Mon handicap m’a également permis de me battre et d’oser la différence. Je n’ai jamais senti le besoin d’être comme les autres, je pense que cela serait ennuyeux, car ma vie n’aurait pas autant de saveur et de rebondissements. La résilience, la persévérance et l’audace sont pour moi les 3 grandes forces que m’a donné mon handicap.

En parlant de force, qu’est-ce qui selon toi t’a permis de l’être autant aujourd’hui justement ?!

Je pense que ce qui me permet d’être aussi forte chaque jour, c’est la richesse des expériences de ma vie.

La vie est faite de hauts et de bas pour tout le monde, personnellement j’ai décidé de tirer des leçons de mes échecs pour avancer comme pour monter un escalier, je me sers de mes erreurs comme des marches pour atteindre le sommet. Un peu comme Marry Poppins qui dessine un escalier avec les nuages pour aller plus haut.

Chaque jour il est conseillé de garder en tête 3 choses positives de la journée, ainsi on oublie les soucis du quotidien et on dort mieux.

Être actrice de ta vie, ça tu sais le faire! Comment donner envie aux femmes de le devenir également ? Quel est ton objectif au travers de tes actions ?

Être une femme et s’affirmer, vous pensiez que c’était incompatible ?

Si oui, alors c’est peut-être que vous avez entendu cela de la bouche d’une personne qui a des idées reçues sur la condition de la femme. Peut-être pense-t-elle qu’une femme ne peut pas s’affirmer car elle est « vouée » à avoir des enfants, à sacrifier sa carrière professionnelle pour sa famille, à ne jamais travailler si elle est en situation de handicap, à vivre pour les autres en somme…

STOP !!!

Je ne suis pas du tout d’accord avec ce schéma, une femme même avec des enfants, même avec un handicap… peut et doit s’affirmer. Chaque être vivant sur cette Terre (humains comme animaux), peut s’affirmer sans avoir à rougir.

S’affirmer, c’est quoi au final ?

C’est, une façon de montrer au monde qu’on existe et qu’on est là pour quelque chose. Une femme a le droit de s’affirmer (comme un homme) car elle existe, tout simplement.

Avant de créer mon entreprise, j’avais peur de m’affirmer car j’étais passée par des phases où j’ai subi du harcèlement et donc les gens me montraient toujours mes côtés négatifs et donc m’enfonçaient.

Un jour, j’ai décidé qu’il était temps d’inverser la tendance et de prouver à ceux qui ne croient pas en moi et aussi et surtout à moi-même, que malgré mon handicap et ma condition de femme je pouvais faire de grandes choses.

En 2 ans, certains qui m’ont soutenue dans mon projet de création d’entreprise ont été impressionnés des résultats rapides de mon entreprise. Oui on peut être une femme, en situation de handicap, entreprendre et réussir !!! Depuis la création de mon entreprise en août 2018, je me sens plus libre et même si je n’ai pas non plus « l’abondance financière » j’ai la chance de faire un métier que j’aime et que j’ai choisi !

Alors ayez de l’audace, croyez en vous et affirmez-vous !!!

Quelle énergie !! On te sent tellement pleine de détermination à faire que l’expression du handicap soit un moteur de possibles ! Quel message positif souhaites-tu partager à celles et ceux qui te liront ?

Cette question, je me la suis longtemps posée. Mais le 8 mars 2011 (journée de la femme, coïncidence ? Je ne pense pas) j’ai eu la révélation suite à la conférence sur « l’amour », du père Denis Sonet.

Dans cette conférence, ce prêtre nous a dit que pour aimer les autres il faut d’abord s’aimer soi-même. Avant cette conférence j’étais totalement perdue, je ne m’acceptais pas telle que j’étais et je n’avais pas beaucoup d’amis. Depuis que je me suis acceptée et aimée moi-même telle que je suis, je trouve plus facilement des amis car j’ai plus de confiance en moi et j’ai une meilleure estime de moi.

S’aimer en tant que femme, c’est aimer ses propres qualités et ses propres défauts, pour vivre à l’aise dans ses baskets. J’ai longtemps culpabilisé quand j’étais heureuse et à l’aise avec moi-même, car j’avais l’impression de voler le bonheur des autres, alors que c’est totalement faux. Tout le monde a le droit au bonheur.

S’aimer soi-même n’est donc ni un acte égocentrique, ni un acte égoïste, je dirais plutôt qu’il s’agit d’un acte altruiste.

Je n’aurais donc qu’un seul message « Aimez-vous vous-même et vous pourrez partager votre bonheur ! ».